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10.1.2008
Avec Sarkozy la France va plus loin à droite. Et les
travailleurs?
Les élections ne décident rien de réellement considérable que les "hautes sphères" n'aient déjà décidé mais elles servent comme indicateur des humeurs politiques d'un pays. Cela vaut pour les récentes élections françaises. Elles nous placent devant un fait qui est au premier abord vraiment étrange. Celui-ci concerne l'Italie de très près car, pour l'essentiel, le cas de la France est aussi bien celui de l'Italie et des autres pays européens.
Voici le fait : dans les dernières années la France a connu une série de mouvements de lutte syndicale, des cheminots aux employés publiques, des mobilisations amples (comme la lutte contre le CPE), et même de révoltes (dans les banlieues); cela s’est produit contre les tentatives de traduire en français l'évangile universel de la globalisation capitaliste, traduction que les gouvernements socialistes aussi bine que les gouvernements de droite ont bien commencé. Bon: après ces secousses électriques, qui ont touché la société française et la classe travailleuse, nous devons enregistrer le glissement à droite, aussi bien de la situation politique en général que des regroupements de la gauche, modérée ou "extrême". Et nous devons constater qu’une fois de plus une masse imposante d'ouvriers et de travailleurs a voté à droite. Pourquoi? Et surtout, y a-t-il, ou non, une issu à cette triste situation?
Le spectre du déclin et le chemin de "gloire" de Sarkozy
Cette donnée "étrange" trouve une première et fondamentale explication dans le facteur qui a dominé les élections et qui domine la vie sociale de la France comme un grand spectre redoutable: à savoir le déclin du pays, de l'économie nationale, du prestige national français dans le monde. Dans la France d'aujourd'hui, seule une petite minorité, qui appartient aux hautes couches de la société, croit que le pays progresse et a confiance dans l’avenir, encouragée par des profits et des comptes bancaires en hausse. En revanche la conviction de la plupart des gens est en sens contraire, étant étroitement liée à la perte de pouvoir d'achat des salaires et en plus à l'instabilité et à l’irrégularité de l'emploi. Les nouvelles générations craignent d’être confrontées à un avenir fort incertain, pire que celui de ses parents. Le plus souvent elles identifient (sans se tromper) la source primaire de leur insécurité dans le processus de globalisation en cours. La peur de ce qui va se passer (probablement), s'ajoute à la frustration par rapport à ce qui est déjà. Cela est particulièrement vrai dans les couches les plus écrasées du salariat : les ouvriers (qui encore aujourd'hui constituent 30% de la force de travail totale, entre 6 et 7 millions), les jeunes d'extraction ouvrière (dont 40% sont des garçons) les travailleurs constamment précaires et intérimaires (énormément de femmes), la plus grande partie des immigrés, en particulier de seconde et troisième génération. Pour tous ceux-là, il y n'a pas que le poids des renonciations matériels, l'intensité assommante d'un travail aliénant (si l’on travaille), qui peut même mener au suicide (voir Peugeot), la jungle quotidienne du marché du travail sauvagement déréglé; ils ont aussi la perception - dure à tolérer - d’avoir perdu de considération sociale, que le travail ouvrier est dévalorisé, comme tout le travail salarié.
Bon élève de Le Pen, Sarkozy a adroitement cherché à canaliser ces sentiments et les peurs profondes de cette masse diversifiée de travailleurs. Cela n’a pas été une opération simple, car il s’agit d'un homme et d'un parti, l’UMP, qui représentent le néo-libéralisme et, de façon notoire, étroitement liés par idéologie, intérêts et rapports personnels à la haute finance, à la grande entreprise privée et d'Etat et aux classes moyennes en mesure d’accumuler. Ceux-ci se sont vus promettre des dégrèvements d'impôts, la liquidation des 35 heures, de nouvelles coupes dans les dépenses "de sécurité sociale" et la fin régimes "spéciaux" des pensions des salariés. Cependant, en grande partie, Sarkozy a mené une campagne électorale consciemment adressé sinon aux prolétaires, ou au moins à eux aussi. Soit dans le contenu du discours, soit dans des actes symboliques (voir les photos avec des ouvriers, par exemple ceux d’Airbus, menacés de licenciement et qu’il a cherché à rassurer). Au centre de son programme, adressé "à tous les Français", il a placé la relance de la France, "une nation grande, belle, ancienne", à laquelle il va donner de nouvelles capacités de compétions, un "nouvel honneur", un nouvel "orgueil", un nouveau et retrouvé rôle économique, politique et militaire de première importance dans le monde. Et dans cette relance de la nation, avec un lyrisme qui rappelle les peana de Maurras à la "Déesse France", le néo-président a garanti qu’une place tout spéciale sera réservée au travail. "Le travail libère l'individu, le travail est un facteur de libération". Et au travail il faut donc rendre la dignité, la valeur, le mérite ("les mérites de ceux qui se lèvent bientôt le matin et connaissent la valeur du travail"), l’orgueil de soi-même. Au travail il faut reconnaître le droit à une rémunération plus grande, comme récompense pour une application plus grande ("travailler davantage pour gagner davantage"). L’"identité nationale" retrouvée complète ce tableau et c’est là que le piège se referme. Cette « identité » il faut la défendre, avec un "poing ferme mais humain", des menaces de la migration incontrôlée, du multiculturalisme et des désordres urbain s- trois manières pour indiquer le même ennemi: ceux qui viennent de dehors, les immigrés, ou ceux qui se mettent dehors de l'assemblée "civile", les marginaux, qui sont, en réalité, poussés à la délinquance ou à l'abandon par cette même société qui les blâme et les dévalorise.
Avec une telle propagande, Sarkozy a réussi à soustraire à Le Pen une part de son électorat populaire, bien que le Front National ait tenu - et nettement ! – sa position, 20 % environ, même dans les zones les plus densément prolétaires, les zones semi-urbaines et celles-là rurales "profondes", où se déplacent les couches les plus en détresse de la classe laborieuse, à cause des coûts exorbitants des villes, et dans les départements du Nord- Est industriel, frappés par les processus de délocalisation (Aisne, Vosges, Haute-Marne, Moselle, etc.) [1]. De toute façon l'opération la plus importante que Sarkozy a accomplie n’a pas été le "vol" ou le « détournement » des votes de Le Pen, mais le fait qu’il a marqué encore plus fortement la politique d'Etat par l’idéologie de Le Pen – même si celle-ci est débarrassée des ses traits extrêmes les plus hardis, bourgeois et réactionnaires, tels que la proposition "anti-libérale" de fermer l'économie française au marché mondial ou l’évocation de l'alliance "anti-mondialise" possible, c'est-à-dire anti-américaine, entre la France, en soi-même fermée, et le monde islamiste. La France de Sarkozy, en effet, va être plus que jamais une nation "loi et ordre" (républicaine autoritaire, évidemment, non fasciste). Elle est prête à imputer la faute de toutes les contradictions et les dysfonctionnements sociaux à 1968, c'est-à-dire à la lutte de classe et aux syndicalistes "qui font du vacarme" – bien que ces derniers soient spécialisés dans la lise au sommeil du conflit de classe. Cette France veut une discipline exemplaire dans les écoles, dans les villes, dans les banlieues (les endroits de la canaille…). Elle se prépare à durcir la vie dans les prisons et à doubler les peines pour les petits récidivistes, du fait des mesures de l'odieuse Condoleeza Rice gauloise. Et si cette France condescend à accorder quelque charge de prestige à une élite d'immigrés ultra-francisés, elle se reconnaît dans la "préférence nationale" aux Français de sang pur, qui depuis toujours sont le pivot n. 1 de la politique de Le Pen. Cette France rebaptise le ministère pour l'immigration « ministère de l'identité nationale », en relançant carrément la tendance à l'assimilation. Elle introduit le test du DNA pour les immigrés qui veulent se réunir à leurs familles. Elle efface l’ambiguïté de la France "terre d'asile". Ayant fini de rougir de son passé colonial, elle propose d’être le promoteur d'une nouvelle politique de développement pour l'Afrique, celle que Sarkozy peinte pourtant encore une fois comme immobile, bestiale, enfantine, donc à instruire (selon la démagogie colonialiste à la Sarraut), sur la mise en valeur des ses propres richesses[2].
Cette France promet à sa classe laborieuse (manuelle et "intellectuelle") qu'il est possible un nouveau début, une nouvelle grandeur dispensatrice de bien-être pour tous, et donc aussi pour les travailleurs, à la condition de se lever tôt le matin, de bosser, bosser, encore bosser (voilà l'"honneur" et la "valeur" du travail: produire des profits sans arrêt), et de serrer les rangs de concert avec ses exploiteurs gaulois, l'énième Union sacrée, contre les adversaires perfides de la nation, intérieurs et extérieurs, voisins et lointains. A travers cela seulement, la France éternelle, que le destin appelle à exercer une fonction civilisatrice irremplaçable dans le monde, pourra sortir de la grisaille d'un déclin imminent et retrouver la gloire qui convient à elle et à tous ses fils, même le "plus humbles."
L’attitude subalterne de S. Royal et des socialistes
Ségolène Royal, le Parti socialiste, les intellectuels ressemblés autour d’elle pour « éviter le pire », n’ont rien opposé d’alternatif à cette perspective de nationalisme impérialiste agressif, accompagnée par un peu de "travaillisme", de la part d’un homme qui ne dédaigne pas de citer Jaurès et L. Blum. En fait ils pouvaient faire autrement. Comme Jérôme Vidal [3] a dit, en France la transformation "lepeniste" des esprits, de la société dans son ensemble, s’est façonnée dans le second après-guerre avec le concours actif de la gauche "socialiste" et "communiste" ; autrefois cette dernière était une avant-garde magnifique du mouvement prolétarien international, depuis un siècle, par contre, elle est à nulle autre seconde sur le plan du nationalisme[4], en particulier après Yalta. Pas d’étonnement, donc, si S. Royal a fait sa tournée en France en glorifiant la patrie et l'identité nationale, si ses meetings se terminaient sur les notes de la Marseillaise. Si elle aussi s’est engagé dans la défense de la législation sur le voile, voulue par Chirac, et dans l’attaque à ceux qui la critiquaient, les terribles "islamo-gauchistes" (!). Ou si elle a chevauché la demande d’ordre, avec une attitude conservatrice en matière d'ordre public et de relations familières.
Pour S. Royal, autant que Sarkozy, le plus grand danger à combattre est celui de la division et de la fragmentation de la société française, en raison de la polarisation sociale en cours. Ses recettes pour la cohésion sociale nationale ne diffèrent pas beaucoup de celles de Sarkozy. Certes, dans ses discours publics, les messages aussi rassurants que fumeux, n’ont pas manqué à propos du maintient de "l’Etat social" ; ils visaient à consolider le consentement surtout de la masse des fonctionnaires. Mais, lorsque sa politique sociale a été définie de façon un peu plus précise, on a bien vu le mélange entre le conservatisme "bienfaisant" traditionnel, de type démocrate-chrétien, envers les "plus malheureux" et les "plus faible", et un petit grain de libéralisme social (que même la droite, d’ailleurs, ne rejette pas totalement). Son apologie du travail n'a pas été moins obscène que celle de Sarkozy, à l'ère où le travail est structurellement précaire et n’a plus de contenu. Les magnats de l'industrie, de la communication et de la finance "progressiste" l’ont couronnée "l’adversaire " la plus naturelle de Sarkozy, bien avant la consultation-farce où les inscrits de son parti l’ont choisie. Madame Royal a fait de son mieux, malgré le raté de l’accorde électoral avec Bayrou, pour déplacer le socialisme français au-delà de la social-démocratie, à côté, si non à l'intérieur, du champ centriste. Ensuite, les élections conclues, Jospin, Rocard et Bérégovoy etc., anciens disciples de Mitterrand, ont ébauché le reste de la démarche de modernisation que la gauche française « doit » accomplir. Ils ont revendiqué pour elle - c’est la première fois - une position idéologique à l’intérieur de la famille libérale - "La gauche moderne est libérale […], et elle refuse de céder à la droite ce beau mot, qui naquit à gauche" - et ils ont envisagé la destruction du service public - "Nombre de secteurs des services publics peuvent être confiés à des gérants privés, sous contrôle public." Enfin, la distance entre les deux champs "alternatifs" de droite et de gauche n'a pas été jamais si réduite. C’est bien pour cela que Sarkozy n’a pas eu du mal à arracher à ce "socialisme" dégénéré des représentants important soit pour son gouvernement (parmi lesquels B. Kouchner, le croisé fanatique de la guerre anti-islamiste) soit pour le FMI, une institution-clé de la globalisation financière néo-libérale (le technocrate Strauss-Kahn).
Le débâcle de l’extrême gauche
L'extrême gauche "ouvriériste", "communiste", "altermondialiste", à la seule exception formelle de LCR, a apporté son soutien à cette porte-parole du "socialisme" libéral, anti-socialiste et anti-communiste en racine, au moyen de l’appel au "vote utile" au second tour, déjà promis avant le premier tour. Elle s’est ainsi mise "tactiquement" dans le sillon de la dérive libéral-démocratique de la gauche majoritaire (mais chaque tactique a derrière une stratégie, explicite ou implicite). Le naufrage de cette extrême gauche ne réside pas tellement dans ses résultats électoraux (3-4 points en moins par rapport à 2002, cette diminution est causée presque entièrement par Lutte ouvrière, la seule organisation de l'extrême gauche ayant un certain enracinement ouvrier, qui s'est écroulée de 5,7% des votes en 2002 à 1,3% en avril 2007) ; et il ne réside pas dans la fragmentation non plus, provoquée pour des raisons essentiellement électorales, de recherche de visibilité institutionnelle. Son naufrage se révèle par rapport à son incapacité la plus totale d’affronter dans une optique de classe les défis politiques qui touchent la masse des travailleurs, de représenter pour eux un réel point de référence anti-capitaliste.
Nous ne voulons pas enseigner à Laguiller ou à Besancenot comment il aurait été possible d’obtenir un plus grand nombre de votes. Ils ont montré, la première dans les années passées et le second récemment, la capacité de bien se conduire au dedans des règles établies pour la "participation au débat politique" électoral. Non, notre terrain n'est pas celui des jeux et des rituels électoraux entre de faux "adversaires". Ils se disputent à fond le vote-procuration individuel des citoyens, au nom de programmes censés être "alternatifs", mais ces « adversaires » sont unis sur l'essentiel, c'est-à-dire dans l'acceptation du capitalisme, de la propriété privée des moyens de production, de la division en classes de la société et - dans le cas français – de la V° République, c'est-à-dire du pouvoir de classe capitaliste qui se fonde sur le dépouillement de la masse des travailleurs des décisions politiques, sur la division antagonique entre dominants et dominés. Notre terrain est tout autre. C’est le terrain de la réalité de la globalisation capitaliste impérialiste qui est en train d'aggraver la compétition inter-capitaliste et de pousser l'exploitation des travailleurs jusqu'au paroxysme. Elle est en train aussi de mettre en concurrence directe les prolétaires du Nord et du Sud du monde, comme jamais il n’était arrivé avant: d'ici naissent les privations et les tourments des travailleurs français, et non seulement de ceux-là. C’est le terrain des guerres déchaînés par l'occident impérialiste ou qui se préparent (Iran) contre les peuples "voyou" arabe-islamistes, des désastres écologiques et humains produits par un capitalisme plus que jamais pillard de la nature et violeur des besoins humains. Notre terrain est celui des résistances prolétariennes et populaires, sans armes ou armées, à ce cours du capitalisme mondial, évoquant la renaissance de ses cendres de l'oiseau phénix de notre époque: la révolution sociale. Ce que nous reprochons à tous les protagonistes de cette "gauche plurielle", est d'avoir déserté ce terrain, non pas seulement le terrain de la révolution, on s’y attendait, mais même le terrain de la réalité, en finissant par être parmi les concurrents pour l'Elisée ceux qui brassent le plus d’illusions.
En effet, sauf quelques affirmations fugaces et des allusions dispersées à un socialisme non mieux défini, l'optique des "discours" de la gauche a été étroitement « nationale", entièrement "franco-française", comme si la France fût – s’il pouvait l’être - une île dans un monde qui, par contre, n'a jamais été autant interdépendant et uni, dans le sens et à la manière capitaliste. (On se réfère ici à toutes les formations et les candidats à la gauche du Parti socialiste, y inclus les restes du Pcf, à part les différences spécifiques entre eux). Ils ont mis en avant de nouveau le rêve nationaliste de l’"exception française", qui a été un élément de faiblesse des luttes des dernières années, complètement en contresens par rapport à la nécessité vitale des travailleurs de la France de s’en sortir de l'enclos idéologique, "sentimentale" et organisationnel de sa "propre" nation, pour commencer à coordonner ses réponses de lutte avec les prolétaires des autres pays, ceux d’Europe comme ceux de l'Est et du Sud du monde. Le clou de la proposition politique "franco-française" des organisations d’extrême gauche a été celui néo-keynésien, ou social-démocrate : la redistribution des bénéfices produits dans le cours positif de l'économie, pour ce que cela puisse améliorer la condition des travailleurs et, au même temps, alimenter le cycle positif, au lieu de l'étrangler, avec de nouveaux sacrifices "irrationnels." Cela sur le fondement, complètement irréaliste, de pouvoir maintenir en vie un passé "keynésien" définitivement achevé, et enfin sans exposer pas même un véritable plan d'action, de luttes organisées pour obtenir un objectif semblable.
Cette gauche dans son ensemble a été très faible, à dire peu, dans la dénonciation du chauvinisme de Sarkozy, Le Pen et Royal et de ses aspects faussement "travaillisme" ; dans la dénonciation de leur attitude vis-à-vis des populations migrantes (d’ailleurs, il s'agit de regroupements qui n'ont mené aucun travail organique sérieux à ce sujet, tièdes face à la révolte des banlieues, tout en en restant dehors); dans la dénonciation du rôle impérialiste de la France en Afghanistan, au Liban, en Algérie, en Afrique, etc. et du rôle de pointe que selon Sarkozy la France devrait assumer dans la future guerre à l'Iran; dans la dénonciation de l'hypocrisie du néo-président à propos d'une France qui "sera à coté des opprimés du monde" (!) et qui " n'abandonnera pas les femmes condamnées à porter le burqa, ni celles qui n’ont pas de liberté" (!). A propos de ces sujets cruciaux pour l'autonomie de la classe travailleuse de la classe qui l’exploite et de ses partis, et pour l'unité entre les prolétaires français et les immigrés prolétariens, l’"extrême gauche française " a observé un silence presque total, ou a mis le silencieux, sauf le vieux refrain libéral-démocratique sur la tolérance, le pluralisme, le multiculturalisme, etc. Ceci, tant pendant les élections qu'après, lorsque LCR a lancé un appel pour la constitution d'un "nouveau parti anticapitaliste", tout en lui fixant le but prioritaire de « présentation de listes anti-capitalistes totalement indépendantes du Parti socialiste, dans le plus grand nombre possible de villes ». Mais ce n'est pas par cette voie, qui reste organisationnelle, immédiatiste et institutionnelle, que les travailleurs français surmonteront leur état actuel de confusion, de division, d'insignifiance politique. Et comment alors?
Il existe une issue !
Le cas de la France se rapproche, pour l'essentiel, à celui de l'Italie (même ici, dans le Nord industrialisé, la droite obtient plus de votes prolétariens que la gauche) et d'autres pays européens. Des conflits périodiques et sectoriels, même âpres et étendus, ne manquent pas; une résistance sourde, en particulier chez les secteurs ouvriers, n’est pas absente; il est aussi très vaste le malaise et le mécontent des nouvelles générations, influencées par l'individualisme de marché; mais il manque une perspective reconnaissable de classe, un programme de classe et une organisation communiste qui incarne l'un et l'autre. Il sera terriblement difficile, de s’en sortir de cette situation qui vient de très loin et il faudra du temps. Cela fait longtemps que le prolétariat européen a été (il s’est) "nationalisé" par le biais du stalinisme, de la social-démocratie, de la libéral-démocratie et, maintenant, à travers le populisme agressif de personnages tels que Bossi, Le Pen, Haider, Blocher et d’autres. Ce n'est pas d’aujourd’hui que le prolétariat européen, en particulier sur la base de l'expérience faite pendant les "Trente Glorieux" 1945 -1975, s'est profondément imbibé de réformisme, convaincu de pouvoir augmenter ses revenus, ses garanties, ses droits à l'intérieur du capitalisme. Cette conviction l’a amène (encore l’amène) à ressentir comme un danger la sortie de ces frontières pour "poursuivre des rêves" d’"autres mondes possibles", qui fléchissent dramatiquement, voir les pays du "socialisme réel" et leur tas de ruines sociales.
L'offensive néo-libérale des dernières trente ans a commencé à ébranler ces certitudes ancrées. Mais la concurrence, complètement mondialisée, sur le marché du travail a mis les travailleurs européens dans une nouvelle position défensive, pour la première fois dans leur histoire - vraiment ce passage marque une époque – et ils ont la sensation épidermique de nouveaux, grands risques possibles, desquels il faut se préserver attentivement. Depuis des années, cette peur d'un futur encore pire que le présent freine les mouvements de lutte de l'intérieur ; en France comme ailleurs, à peu près ils s’auto-empêchent de dépasser un certain seuil, en ayant assimilé que le capitalisme n’est pas surmontable et en se sentant faibles face à un adversaire de classe arrogante et sûr des ses propres raisons. Cela est contingent, bien qu'il s'agit d'une "contingence" historique longue presque un siècle. (En Italie aussi on a vu dans ces jours un exemple de cette assimilation et cette auto-limitation, dans l'approbation majoritaire de l'accord entre gouvernement, patronat et syndicats de 23 juillet). Mais elles ne pourront pas durer pour toujours. Ni en France, ni ailleurs. C’est bien la "globalisation" néo-libériste qui nous le dit.
En France la lune de miel entre Sarkozy et une opinion publique aujourd'hui plus ample même que ses électeurs, est destinée à finir assez vite. Après avoir polémiqué avec le président de la BCE Trichet sur l’autorisation à dépenser en déficit, c’est-à-dire plus que ce soit "permis" ("nous sommes près de la faillite", a dit le premier ministre Fillon), Sarkozy devra en tout cas mettre la main sur les systèmes "spéciaux" de retraite, imposer à tout le monde 40 ans d’années de cotisation pour la retraite, diminuer les employés publics, (en réintégrant 50% des retraités), introduire de nouvelles mesures anti-grève dans les services, lancer le contrat de travail unique (cela plaît aussi à Veltroni) qui facilite les licenciements, donner cours concrètement à l'aggravation des contrôles et de la répression sur les immigrés, détaxer les profits extraordinaires et les profits réinvestis, et prendre d’autres mesures pour attirer, comme il se propose, de grands investissements étrangers, favoriser le processus de réorganisation centralisant l'industrie française : ceci est commencé par la fusion Gdf-Suez, avec bien de coûts pour les travailleurs. Il le fera graduellement, c’est probable, en tâchant de ne pas se heurter avec l’ensemble du monde du travail, proposant peut-être quelque forme d’"intégration" des salaires au niveau d’entreprise, mais il devra bien le faire, s'il veut chercher à relancer la France sur le terrain de la concurrence, et s'il ne veut pas ridiculiser l’image de décideur qu’il s’est auto-attribué. Au plan de la politique étrangère, il devra accomplir un parcours analogue, aux étapes forcées. Il est clair son but de remplacer la Grande-Bretagne comme meilleur partenaire politique-militaire de Washington, au moins sur les terrains iraniens et turcs, peut-être en réintégrant complètement la France dans l’OTAN, parce que seulement avec la relance internationale de la "puissance française", au moyen de nouvelles guerres aux pays rebelles du Sud du monde (voir Côte d'Ivoire), il lui sera possible de trouver de quoi alimenter concrètement son "travaillisme", qui se transformerait en cas contraire dans un boomerang.
Nous tablons d'abord sur l'objectivité et l'inévitabilité de l'aggravation de l'antagonisme de classe, dedans et hors des frontières de la France, qui fera que le prolétariat reviennent à une lutte classique, les vieilles générations et les nouvelles ensemble, les nouvelles au premier rang, les autochtones et les immigrés - ces derniers hors des ghettos dans lesquels nous sommes en train de les enfermer – les garantis (pour ainsi dire) et les précaires, les travailleurs du "matériel" et de l'"immatériel" (qui est en soi-même matérialité). Un prolétariat qui sache redécouvrir l’importance centrale et vitale de l'internationalisme, contre les mille sirènes chauvines qui jouent à la grande force. La nouvelle configuration du salarié, qui va naître d'une socialisation de la condition prolétarienne sans précédents dans l'histoire de la société capitaliste, aidera ce processus de recomposition qu’aux superficiels, aujourd'hui, semble être d'obstacle, et il donnera un coup de main pour la rupture de l'isolement des luttes particulières. Mais il faudra du temps. Il faudra une série d'expériences où la classe laborieuse devra mesurer concrètement qu'il n'y a pas de possibilité de remonter la pente grâce aux recettes de Sarkozy, c’est-à-dire la meilleure compétitivité d'entreprise et nationale, et à l’extérieur la guerre; au contraire, si on acceptait cette voie, avec Sarkozy ou avec un autre, elle ne procurerait que des sacrifices et deuils continuels à soi-même et aux autres. Il faudra des sauts véritables de conscience et d'organisation de la classe laborieuse pour consentir la réalisation des potentialités des luttes, maintenant freinées et réprimées de l'extérieur et de l'intérieur.
Mais il serait d'une ingénuité totale imaginer ce processus totalement spontané, totalement et exclusivement se produisant « d’en bas ». Nous comprenons bien, et partageons, la réaction de rejet qu'aujourd'hui des groupes de camarades manifestent en France par rapport aux excès organisationnels qui ont tourmenté et tourmentent l'extrême gauche française, par rapport à ce fétichisme de l'organisation "révolutionnaire" qui est un impuissant subrogé de la solution des nœuds gordiens théoriques et politiques. Et pourtant la "ré-appropriation des éléments fondamentaux de l'engagement politique révolutionnaire", dont les camarades de "Carré Rouge" parlent, exige un travail de bilan, d'analyse, de clarification, de ré-liaison à la tradition marxiste authentique, d'anticipation des affrontements futures, d'adresse politique vers et dans les luttes; un petit détachement de camarades, (pour le moment il n'est pas possible autre chose), doit se charger de tout cela, sans peur de prévariquer, en mettant en place ce travail de parti sur le processus d'auto-organisation des travailleurs.
[1] En 2002 l'électorat de Le Pen se composait de 54% d'ouvriers et d’employés, 14 % à peu près d'agriculteurs et d’artisans, 27% de cadres et de professionnels, 5 % de chômeurs. Lors de l’échec de 2007 cet électorat est devenu encore plus « populaire » (et « masculin »: 58%, contre 55% d’avant), parce que la partie d'ouvriers et d’employés est augmenté à 59% (c’est-à-dire deux millions environ de votes), celle des artisans et des agriculteurs (14%) et des chômeurs (4%) est restée presque constante, alors que la partie d'électeurs formée par des cadres et des professionnels s'est réduite à 23%. Sur 100 électeurs qui sont passés de Le Pen à Sarkozy, les ouvriers et les employés sont "seulement" 44, les cadres et les professionnels sont bien 35, les agriculteurs et les artisans sont 13, les chômeurs sont 8 (pour en rester à l'enquête, qui semble digne de foi, de J. Fourquet, L'échec de Jean-Marie Le Pen aux présidentielle de 2007: les causes d'un hémorragies, Cevipof). Le Pen a toujours une emprise particulièrement forte sur les travailleurs (ouvriers) âgés, ou entre deux âges. Lors des élections de printemps son cheval de bataille a été encore l'immigration "voleur de travail" et "productrice d’illégalité », avec la dénonciation de la globalisation.
[2] Voir le discours de Sarkozy à Dakar, capitale du Sénégal, le 26 juillet dernier ("Le Monde diplomatique", septembre 2007).
[3] Cfr. son texte Silence, on vote: pendant les élections, pas de politique, pas de critique, sur le site suisse "à l'encontre" (www.alencontre.org). Ce site contient une documentation excellente sur la situation française et sur la situation internationale en général.
[4] Cette empreinte fort nationaliste, et donc bourgeoise, a été particulièrement marquée dans la résistance anti-nazi. Révélateur, et objectif, ce que L.Gaulois écrit: C’est la Résistance, commencée et animée dans le pays, en France comme en Italie, par la classe ouvrière et par son parti, qui a empêché l'effondrement moral et politique de la nation, a conservé à la France, si non la fonction précédente, son rôle de grande puissance, et a maintenu son prestige intellectuel et moral dans le monde" (Storia del partito comunista francese, Milano, Teti, 1973, pp. 209-210 - c.n.). L'écrivain surréaliste Louis Aragon concernant cela dit: « Mon parti m’a redonné les couleurs de la France". A cette époque, des prises de position et des initiatives de type internationaliste ne vinrent en France que des groupes adhérant à la IV Internationale (voir Les Congrès de la Quatrième Internationale, vol. 2, Paris, La Brèche, 1981).
10.1.2008
ORGANIZZAZIONE COMUNISTA INTERNAZIONALISTA
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