De Seattle à Gênes, le mouvement a fait émerger le fait qu’une multitude d’opprimés et d’exploités, pour les raisons les plus diverses (mais convergentes en réalité) et les meilleures, ne pouvaient plus et commençaient à ne plus vouloir vivre le capitalisme global et s’étaient déjà rencontrés de fait une première fois sur un terrain commun de luttes. Nous avons déjà vu les raisons pour lesquelles ils sont appelés à se donner un e expression unie et un organe de lutte unifié et mondialement centralisé. Nous avons aussi fait allusion au fait que l’une et l’autre exigence peuvent se réaliser si les multiples luttes "anti-globalisation" trouvent un horizon commun de libération qui, pour nous, ne peut être que le socialisme.
Qu’est-ce donc, alors, que le socialisme? C’est la restitution intégrale à l’humanité laborieuse de tout le fruit de l’activité productive, au sens large d’activité humaine, dont elle a été spoliée, afin qu’elle puisse parvenir à l’"enrichissement", à la libération de tous et de chacun, des liens de la"nécessité" (Marx parle de libération de l’individualité prise comme élément humain de la collectivité humaine).
Le monde idyllique du G-8La polarisation de la richesse Souce: United Nations Development Programme, Human Development Report, 1992. Le crime, première
industrie du capital global Quelle est la première branche, en chiffre d’affaires, du super-capitalisme mondial? L’industrie pétrolifère? automobile? électronique? les bio-technologies? Erreur. C’est l’industrie du crime organisé, ultime sursaut de l’accumulation du capital car source de profits effarants. Le Crime (les données sont fournies par le Conseil de l’Europe et le FMI) enregistre des gains d’environ 1000 milliards de dollars par an, il PIB de l’Italie, cinq fois le PIB de toute l’Afrique, grâce à une série d’activités hautement bénéfiques pour l’ensemble de l’humanité. Production et commerce de drogue (actuellement 180 millions de toxicomanes dépendants dans le monde et, dans certaines villes, comme Baltimore, 10% de la population est toxicodépendante), contrebande d’armes et de déchets nucléaires et toxiques, marché de la prostitution et de la pornographie, rackets variés (entre autres l’enlèvement d’enfants pour le trafic d’organes)… |
Cette réappropriation collective, et donc internationale de la "richesse" sociale correspondra, finalement, au caractère sociale et universel du travail qui l’a produite. Elle ne pourra bien entendu pas faire abstraction des différences (créées par le capitalisme), ni prevaricare sur les "caractères propres" de tout et n’importe quelle "communauté", en tant que communauté qui se rebelle partant d’elle-même contre la domination du capitalisme global, mais aura pour objet de partir directement de la valorisation et de la libération des réalités historiques et culturelles diverses. Pour une authentique socialisation, l’humanité devra, de toute façon, viser à inventorier, contrôler et diriger l’ensemble des forces du travail socialisé (par le capitalisme) et cela ne sera réalisable que sur la base de la destruction de l’actuelle division sociale et internationale du travail, non au moyen d’une impossible transformation qui la rende plus "équitable". Il n’y a que sur ces bases qu’on peut respecter véritablement les réalités historiques et culturelles, c’est à dire atteindre à un respect qui ne soit pas coupé du développemne de ces réalités, par une pleine participation à la socialisation de toute la "ricchesse" sociale. Les valeurs de contrebande qui se parent aujoud’hui des atours du "respect" des "autres cultures", vise, au contraire, à les maintenir distinctes pour toujours dans leur "alterité". De cette façon, on n’assiste à rien d’autre qu’à la cristallisation de l’appropriation privée, non collective, et différenciée, du produit du travail humain, dans un monde qui n’a en fait rien de "pluriel" mais qui est capitalistiquement combiné et inégal.
Il ne s’agit ni d’un rêve, ni d’une nouveauté. L’antagonisme de classe du prolétariat international a déjà en lui une histoire de pas effectués dans cette direction. Au cours de cette histoire, il a identifié l’adversaire, le capitalisme, de façon scientifique, et a produit aussi des organisations (en cohérence avec cette science) et une libération effective. Aujourd’hui, la spéculation sur la débâcle du "socialisme réel" triomphe et veut enterrer avec lui le socialisme, c’est à dire un socialisme qui, dès le socialisme utopique et immature de Babeuf, a été la force qui s’est opposée concrètement au capitalisme en produisant des forces réelles pour l’émancipation des masses.
Un premier exemple en a été la Commune, pour laquelle auront toutefois fait défaut les bases matérielles d’un passage réel au socialisme. L’internationalisme de la 2ème Internationale non ancore dégénérée anticipa les thèmes actuels: globalisation des luttes du prolétariat contre une globalisation capitaliste (la phase impérialiste du capitalisme) qui conduisait le monde au désastre (le "socialisme ou barbarie" de Rosa Luxemburg). Cet effort fut rendu vain par la dégénérescence de l’Internationale qui se transforma en une véritable première moûture de "socialisme réel", ce qui l’amena à se soumettre au capitalisme réel, en décrétant la dissolution de son internationalisme face à l’appel aux armes des "propres" Etats lors de la première guerre mondiale.
La révolution russe a signé un moment de réaction à tout cela pour redonner au mouvement prolétarien son identité communiste. Si l’incendie ne s’est pas propagé plus loin que la Russie et si la tentative de Lénine a échoué, ce n’est pas dû à une supposée tare du socialisme, mais à l’insuffisance des forces destinées à rassembler et à diriger, surtout dans les pays impérialistes dominants.
Avec la soi-disant "construction du socialisme en Russie", dans un seul pays, on est retournés, comme nous, communistes, l’avions prévu, à une nouvelle soumission au capitalisme d’une Russie qui n’était déjà plus révolutionnaire. Mais ce n’est pas la perspective du socialisme qui est tombée avec la faillite du "socialisme réel", ce sont plutôt les mensonges sur le socialisme qui ont servi à en couvrir le renversement. Le mouvement "anti-globalisation" a certes le droit de prendre ses distances au "socialisme réel", mais sur un mode correct, celui sur lequel les communistes authentiques ont toujours combattu. En le faisant, pour être cohérent avec lui-même, il devra reconnaître que le problème actuel est celui d’une lutte véritablement internationale et internationaliste, véritablement anti-capitaliste, comme le disait Lénine et comme nous le disont, et que cette perspective est une libération du programme authentique du socialisme, pas sa carricature. On peut être contre le "socialisme réel", à concition toutefois que ce soit uniquement dans la mesure où il a vu le triomphe du capitalisme réel.
Internazionalisme, anti-mercantilisme, protagonisme et auto-organisation des masses, voilà le programme qui avait été perdu à cause de nos faiblesses et de la force du capitalisme. Et c’est ce programme qui sera pleinement restauré.